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Onze kilos cinq
15 février 2014

Hampi #2 / Go Slow

Ce matin, on met un moment à s'extirper du lit ; j'ai dormi au milieu, sur la jointure des matelas, parce qu'on partage un lit deux places à trois. C'est pas comme si on était tellement dans la dèche qu'il nous fallait économiser 50 centimes sur nos nuitées, non... c'est plutôt qu'au bout de quelques semaines, ça devient comme un jeu de trouver la guest house la moins chère, comme s'il y avait une compétition tacite entre touristes à qui payera le moins pour son hébergement. A force de manier des sommes qui se comptent en centaines on a l'impression que ça représente beaucoup d'argent, mais au final c'est réellement peu pour nous! On en rigole autour de notre café du matin (un nespresso infâme) (l'Inde n'est vraiment pas le pays du café) en convertissant le prix de notre chambre : 250 roupies la nuit, ça revient à environ 3 euros. C'est ridicule et on en a bien conscience. 

Aujourd'hui on a prévu d'aller de l'autre côté visiter les temples et les ruine qui font la renommée d'Hampi. Mais, comme à chaque fois, le plan initial ne fonctionne pas : on perde pas mal de temps en taches diverses, comme petit déjeuner (les petits déj' à hampi atteignent des records en termes de durée, car les serveurs sont trèèès leeents... une fois qu'on a compris ça on s'adapte et on se met à table avant d'avoir faim), amener nos fringues à la laverie, mettre de l'essence dans les motos... Le temps qu'on soit prêtes à partir il est midi passé. Comme il faudrait faire le tour des temples assez rapidement pour être de retour à la rivière à 18h, heure à laquelle le bateau arrête de faire la traversée, on décide finalement de rester côté nord pour aller voir le temple d'Hanuman (le dieu singe), puis aller se baigner au réservoir. On fera le sud demain, en partant tôt pour avoir le temps. Nous prenons la route que j'ai empruntée la veille pour aller à Anegundi ; en route je prends en stop un indien qui pue l'alcool. On s'arrête entre Hampi et Anegundi : le temple est perché en haut d'une colline (il y a controverse pour définir si c'est une colline ou une montagne entre Molly et Kitty; disons que c'est une grosse colline, ou une petite montagne) couvertes de rocs ocres. Nous commençons l'ascension sous un soleil de plomb : on a choisi la meilleure heure pour monter. On fait plusieurs pauses et on termine en nage (c'est une habitude à prendre dans ce pays de toutes manières). Au fur et à mesure qu'on monte, on croise des groupes de singes qui se nourrissent des bananes que leur achètent les touristes indiens ou occidentaux.

Une fois arrivées au temple, éreintées, la vue nous éblouit : au pied de la colline les rizières et les bananeraies formes des patchworks verts éclatants au milieu des collines gigantesques, toutes couvertes d'énormes rochers qu'on dirait taillés à la serpe pour certains. Le temple en lui-même n'est pas impressionnant : c'est une petite bâtisse blanche très simple, où se déroule une cérémonie quand nous arrivons. On se balade sur les immenses rochers du sommet qui forment un plateau, et je tombe sur un point d'eau où sont groupés une dizaine de singes. A quelques dizaines de mètres, des touristes se promènent et prennent en photo les paysages grandioses, mais je suis seule à cet instant devant cette petite famille. Je les observe quelques secondes quand soudain l'un d'entres eux rentre doucement dans l'eau. Il ressort, puis retourne dans la piscine, et un deuxième le suit. Puis un troizième. Ils commencent à se chercher, à se tirer par la queue, à se pousser dans l'eau, à faire des bombes, et c'est finalement tout le groupe qui va jouer comme ça pendant une bonne vingtaine de minutes. J'ai l'impression d'avoir une bande d'adolescents sous les yeux. Je ris toute seule jusqu'à ce qu'un canadien vienne s'asseoir à côté de moi : on se marre tous les deux du spectacle, puis tous les singes s'en vont se reposer sous un arbre en contrebas. En discutant avec Andrew on réalise qu'on fait de l'escalade tous les deux; les filles veulent essayer, et on convient de se retrouver le soir même au magasin de grimpe de la rue principale pour organiser une sortie avec un instructeur. 

On part ensuite pour le réservoir où on tombe sur une bande d'anglais qu'on avait déjà croisés à Gokarna. Anglais et français boivent des bières sur les rochers, et sautent de temps en temps à l'eau depuis ce promontoir naturel d'une dizaine de mètres de hauteur. Moi c'est niet, je garde un trop mauvais souvenir de mon dernier saut. On se baigne habillées car on sait que les indiens postés sur les rochers alentour ne sont pas là comme maîtres nageurs : ils reluquent les occidentales en maillots sans même essayer d'être discrets. C'est pas ce qu'on fait de plus pratique pour se baigner...

Au retour on s'arrête manger des légumes frits et boire un chaï dans un bouiboui pas loin de chez nous, où d'autres gringos mangent des thalis (riz + légumes + galettes). Tout le monde discute avec tout le monde. Une fille à la chevelure blonde est assise en face de moi, sa jupe longue remontée sur ses jambes, ses épaules nues car elle porte un t-shirt sans manches. Soudain, la grand-mère qui était occupée dans la cuisine arrive avec une couverture qu'elle lui dépose sur les genoux. La scène nous interloque et nous fait rire : visiblement elle était beaucoup trop découverte! Je suppose que ce sont les hommes assis parmi nous qui ont du faire des réfléxions entre eux, car la grand-mère ne pouvait voir les jambes de la fille d'où elle était... lui a-t-elle couvert les jambes pour préserver sa dignité, ou pour éviter aux hommes d'être pervertis par tant de peau blanche exposée à leurs regards? Qui sait.

On file ensuite au Sunset Point pour assister au coucher de soleil depuis les rochers, que nous avons loupé la veille. On arrive juste à temps pour voir le disque rouge disparaitre derrière les nuages. On retourne à la guest house prendre une douche, les filles se font une session internet pour organiser la suite de leur voyage, et on prévoit de se retrouver au Goan Corner pour dîner et boire un coup. Cette guest house se trouve à l'autre bout du village, au pied des collines, et il faut suivre un chemin au bord d'une rizière pour y arriver. La nuit les grenouilles y coassent à tout rompre. C'est le Q.G. des grimpeurs à Hampi : ils sont nombreux à rester là plusieurs semaines, voire plusieurs mois. L'établissement loue des crash-pads, des matelas légers et pliables qui servent à amortir les chutes quand on fait du bloc*, des topos** sont disponibles à l'entrée, et il y a des slack-lines*** tendues dans le jardin entre les palmiers. J'arrive avant les filles, et je fais connaissance avec deux gars qui jouent aux échecs à côté de moi : l'un est suisse et l'autre autrichien. Ce dernier s'étonne et me complimente pour mon accent anglais qui ne laisse pas transparaitre que je suis française... le tout avec un accent allemand bien prononcé. Et oui, les français sans accent français ça existe... 

 

 

* Quand on grimpe sans cordes à quelques mètres de hauteur

** Bouquins qui recensent les voies existantes

*** Sangles qu'on tend entre deux arbres pour marcher dessus. Un peu comme du funambulisme, c'est très apprécié des grimpeurs car complémentaire de l'escalade tout en permettant de développer des capacités similaires - concentration, maîtrise de soi, gainage des muscles, souplesse des jambes...

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