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Onze kilos cinq
22 avril 2014

Pondichery - Munnar via Madurai, 10 avril

Eeeeeeeet c'est a un magnifique faux depart que nous assistons depuis la gare de Villupuram, ou j'etais supposee prendre un train de nuit pour Madurai! 

J'ai quitte Pondichery et me voila de retour dans l'Inde reelle : celle ou on reserve un billet mais ou on ne vous laisse pas entrer dans le train. En Inde les trains sont tellement blindes des mois a l'avance qu'ils ont un systeme de surbooking, comme pour les avions. On reserve un ticket et on est sur liste d'attente. J'ai entendu differentes histoires a propos de ces tickets : des gens qui avaient eu leur train avec 500 personnes devant eux sur la liste, d'autres qui n'avaient pas pu voyager avec beaucoup moins de passagers en attente... C'est aleatoire, comme a peu pres tout ici. Avec seulement 29 personnes dans la liste devant moi, je ne me suis pas fait de souci. J'aurais du! Il n'y a pas de train direct pour Madurai depuis Pondichery, il m'a d'abord fallu prendre un bus d'une demi heure pour Villupuram (et croyez-moi une demi-heure dans un bus indien, ca peut etre treees long). Une fois a la gare, nous attendons tranquillement le train, mes sacs et moi. Quand il arrive (a l'heure!), je montre mon billet au controleur dans l'espoir qu'il m'indique mon compartiment (il y a au moins un kilometre de voitures qui se suivent, et je ne comprends rien a leur systeme de numerotation des voitures - je ne sais meme pas s'il y en a un). Au lieu de ca, il me dit que mon billet n'a pas ete confirme, ce qui veut dire que je n'ai pas de place sur le train. Pardon? Est-ce que ca veut dire que je ne peux pas prendre ce train? C'est ca madame, il va falloir prendre le prochain qui est dans 15 minutes avec un billet "open reservation". What? Je veux dire "Mais putain de dieu pourquoi je peux pas monter dans ce train alors que tous les autres autour de moi ont pu?!" (les autres = les indiens qui etaient sur le quai = ceux qui savent comment se trouver une place meme quand il n'y en a pas) Plus tard j'apprendrai que j'aurai du monter dans ce train tout de meme. Mais c'etait trop tard. Je me dirige vers le guichet, le type me vend un ticket a 115 roupies, et la je me dis qu'il y a un hic : c'est vraiment, vraiment pas cher. 1,50 euros pour 8 heures de trajet. Pas assez en fait. Je vais voir le chef de gare, et la je realise ce que je viens d'acheter : un ticket pour une nuit en enfer. L'enfer est cheap ici.

Les trains en Inde sont divises en differentes classes, un peu comme en France, sauf qu'il y en a beaucoup plus. Pour l'instant je n'ai teste que les "second sleeper no A/C", les secondes classes couchettes sans air conditionne. C'est la classe juste avant le purgatoire. Du moins c'est comme ca qu'on m'a decrit les 3e classes, ou "classes sans reservation". Les gens qui m'ont formellement interdit de voyager dans ces classes, ou en tout cas tres tres fortement deconseille de le faire, sont des routards, je veux dire pas des habitues du Taj Hotel de Mumbai. Je les ai crus sur parole. L'interet de prendre un train de nuit etant d'arriver a peu pres reposee a destination, et n'ayant absolument aucune envie de tester mes limites cette nuit-la, j'ai appele l'amie chez qui je logeais a Pondichery pour lui demander de laisser sa porte ouverte et j'ai rebrousse chemin. Retour a la case depart a 1.30 am.

Le lendemain matin, j'etais a la gare pour acheter un nouveau billet. Dans la file, un monsieur adorable m'a prise sous son aile pour m'aider a acheter un ticket pour le jour d'apres. C'est pas comme avec la SNCF, on se pointe pas a la gare la bouche en coeur en demandant au guichetier de bien vouloir regarder sur son ecran quel est le trajet le plus rapide et le moins cher, de comparer les prix pour nous, de voir si avec une carte 12-25 c'est plus interessant de voyager en 1e ou en 2de. Ici il faut savoir a l'avance quel train tu veux prendre, a quelle heure, etc, et il faut en plus imposer sa loi dans la cohorte de gens qui veulent aussi acheter un billet et qui s'empressent de te passer devant. Selon les endroits ca peut ressembler a un tournoi de catch. Tu remplis d'abord une fiche avec tous ces renseignements qu'evidement tu connais par coeur, et tu as ton ticket. Vraiment, je sais pas comment les indiens font. Mais ils le font. En tous cas heureusement que j'avais ce monsieur adorable a cote de moi dans la file, parce que sinon je serai encore a Pondichery. Avant que je comprenne ce qui s'etait passe j'avais un billet de train pour Madurai pour le lendemain 10h30, depart de Villupuram. Le monsieur m'a assure qu'il me trouverait une place dans ce train, qu'il allait prendre avec sa femme justement. Rendez-vous etait pris pour le lendemain matin.

En effet, le lendemain matin, on se retrouvait a la gare de Pondichery pour changer a Villupuram. Dans ce train, a cote de nous, un autre monsieur qui a rapidement partage notre conversation. Ayant voyage a travers le monde pour son travail, il m'assura que les francais n'aimaient pas les anglais, et que si on n'etait pas capable de parler leur langue ils ne vous adressaient meme pas la parole. Que repondre? Parlant francais je n'ai jamais souffert de cette discrimination linguistique. J'ai souvent entendu ce reproche a propos des francais, mais j'ai aussi eu droit a l'exact oppose : des amis etrangers qui voulaient apprendre la langue et souhaitaient mettre en pratique leurs connaissances, qui se sont plaint de ces francais qui leur repondaient en anglais - probablement avec l'idee de leur faciliter la tache. Ha l'etre humain! fascinante creature qui semble ne jamais trouver satisfaction. J'ai aussi eu droit aux habituelles questions : d'ou je viens en France, quel est mon travail, si j'ai des freres et soeurs, si je suis mariee, quelle est ma religion... C'est toujours interessant d'observer la reaction des gens quand je leur repond franchement. Non je ne suis pas mariee, oui je voyage seule, non je ne suis pas pressee de me trouver un bon mari qui s'occupera de moi. Non je ne suis pas catholique, en fait je ne crois pas en dieu. Il semble que le concept de ne croire en aucun dieu soit totalement etranger en Inde. On doit forcement croire en un dieu, quel qu'il soit! Tout comme on doit forcement se marrier avant d'avoir trente ans (c'est-a-dire avant la date de peremption)! Bienvenu en Inde, le pays de la tolerance.

Pour resumer le trajet entre Villupuram et Madurai, je dirais que j'ai eu un apercu de ce qu'on fait subire aux crabes quand on les achete vivants avant de les faire bouillir dans une marmite et qu'il faut maintenir le couvercle dessus pendant qu'ils donnent des coups de pince dans l'espoir de s'echapper. C'est pas tres agreable. Le gentil monsieur s'est en effet assure que je trouve une place, et je lui en suis encore reconnaissante parce que je crois bien que tout le train avait decide que je n'irai pas a Madurai. A peine j'avais pose le pied dans le train que le controleur m'a saute dessus pour me demander mon billet (je peux vous assurer qu'il n'a saute sur personne d'autre pour verifier les billets), je lui ai dit que oui, le monsieur lui a dit que oui, et de toutes facons je ne pouvais pas lui montrer parce que me retourner dans le couloir du train aurait demande une logistique trop lourde : mon sac a dos sur le dos, un plus petit sur l'epaule droite, et mon ukulele dans la main gauche, je ne pouvais qu'aller tout droit, tout autre mouvement m'etait impossible. Une fois trouve un endroit ou il y avait une place et demi de libre, le monsieur a decrete qu'on allait s'installer la. J'ai jete mes sacs sur la couchette du dessus, il a palabre avec les gens autour, gueule un peu avec le controleur, montre mon billet, gueule encore, m'a dit que tout etait ok, de monter m'assoir a cote de mes sacs et d'en descendre uniquement si la dame assise en-dessous souhaitait s'allonger a ma place. Soit. Ne comprenant pas grand-chose a ce qu'ils se lancaient tous a la face, j'obeissais et grimpais pour m'installer avec mes sacs sur la couchette en skye, juste au dessous des ventilateurs qui fonctionnaient a fond et diffusaient un air brulant. Une-demi heure apres, le rythme du train et la chaleur aidant, je dormais profondement, coincee entre mon ukulele et mon gros sac. J'envisage une nouvelle carriere de contortionniste apres ces quatre mois de voyage.

Madurai ou l'Inde, la vraie. Le bordel, la crasse, les rickshwas, les bus et les voitures qui klaxonnent, les batiments en beton sans aucune beaute, et un enorme temple en plein milieu, comme une piece montee psychedelique dessinee par un auteur de comics sous acide. Ou peut-etre que c'est la chaleur qui me fait faire cette comparaison. Dedans, des couloirs et une salle aux mille pilliers, des gens, de l'encens, des gens, une vache et un elephant, des gens. A la sortie, des marchands de souvenirs religieux. Jesus aurait du venir chasser les marchands des temples ici aussi. 

Je creve de chaud. Ca fait un mois que je creve de chaud et que je ne peux pas faire un mouvement sans etre en sueur. J'aime le soleil et la chaleur, mais a un certain point je me transforme en marshmalow fondu. J'ai atteint ce point depuis longtemps. Je jubile quand soudain un orage eclate : quelques gouttes tombent, et j'espere que ca va continuer. Mais non. Ce ne sont que quelques gouttes. Je me balade dans les rues alentour du temple, mange un morceau dans un stand de rue, vais boire un jus dans une adresse du Lonely Planet qui n'a pas du etre verifiee depuis 15 ans, et passe la nuit avec le ventilateur a fond dans ma chambre. Le temple de Madurai constitue son seul attrait ; je repars le lendemain matin pour prendre le premier bus vers Munnar a 8h30. J'y arriverai a 14h00, sous une pluie battante - et fraiche - pour retrouver Shuhaib, un gars du Kerala qui a bosse avec nous sur le projet de Mumbai. 

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