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Onze kilos cinq
21 janvier 2014

Ces derniers jours

Je perds la notion du temps, je ne sais plus quel jour ni quelle date nous sommes, et c'est ce que je prefere quand je suis en voyage. Ceci etant dit, ca expliquera certains anachronismes dans mon recit.

Hier a eu lieu la fete avec les enfants. On est arrives tot avec Julie, Yvan et Sandra pour installer les peintures sur les murs de la salle, et heureusement. Tout d'abord, trouver le lieu. Une petite partie de jeu de piste des le matin, rien de tel pour commencer la journee. Ensuite, afficher les peintures. Le "decorateur officiel" de la fete de voit pas d'un bon oeil que l'on utilise du gros scotch double-face sur les murs. On se marre: ils tombent deja en decrepitude sans nous! On obtient gain de cause et on commence a scotcher. Avec la chaleur et la poussiere ca ne tient pas bien, mais tant pis. On reussi a tout afficher avant 12h30, on est trop forts. Les enfants et les ados commencent a arriver avec leurs parents, c'est trop chouette de les rencontrer. Certains se sont fait tout beaux pour l'occasion, les filles ont sorti les saris brodes et les bijoux. Les garcons font moins d'efforts vestimentaires dans l'ensemble, mais ils sont propres sur eux.

Ca s'enchaine assez vite. On se salue, on mange, puis on s'installe tous dans la grande salle pour la ceremonie de cloture: le film expliquant le travail de Georges est projete, il parle de son travail, puis il y a des remerciements, distribution de cadeaux aux enfants qui ont participe au projet, on recoit aussi un cadeau de la part d'Apnalaya, et puis... c'est fini. Tout le monde commence a rentrer chez soi. On a l'occasion de parler avec quelques parents, et je felicite la mere de Suash et Yash pour ses enfants si gentils et doues. Salman vient me dire au revoir, et je ne peux retenir mes larmes. Je vais fouiner dans mon sac pour me cacher, je ne veux pas que les gamins me voient comme ca. Voila, c'est fini, on ne se reverra plus et la vie va continuer comme l'a dit Georges... et ca fait bizarre. On le savait pourtant, hein. Mais apres avoir passe dix jours d'une rare intensite avec ces momes, se dire qu'on va reprendre nos vies chacun de son cote laisse un gout amer dans la bouche. L'echange a ete fort, et on espere sincerement qu'on leur a apporte autant qu'ils nous ont donne. On s'est tous pose tout un tas de questions quant a ce projet... Comme me l'a si bien dit un ami avant de partir, faire de l'art dans un bidonville, il y aurait peut-etre des choses plus importantes a leur apporter non? Justement, la question merite d'etre posee. Et il a suffi de voir le bohneur des enfants et la fierte des parents le jour de la fete pour realiser que oui, ca avait bien servi a quelque chose. Il n'y a pas de raison reste une pratique d'elites, il n'y a pas de raison pour que les pauvres doivent se cantonner a survivre. Tout le monde a droit a cette magie de voir apparaitre sous ses yeux et dans ses mains une oeuvre, personnelle ou collective. Pour Apnalaya, ca a ete une tres belle maniere de faire parler de leur travail avec les habitants du slum, tout en mettant en lumiere la capacite de ces gamins a creer en opposition a l'image negative qui leur est habituellement associee. Pas plus tard qu'avant-hier, alors que je me rendais au slum toute seule, un chauffeur de rickshaw m'y a deposee en me mettant en garde: "Faites attention madame, c'est dangereux la-dedans, les gens sont mauvais!" Je lui ai repondu que je travaillais la et que c'etait parfaitement ok. Il a quand meme eu l'air inquiet pour moi. Imaginez un gamin de 17 ans qui habite dans le slum, et qui a cause du poids de la tradition aura toutes les difficultes du monde a s'en sortir socialement. Imaginez maintenant que ce gamin a ete interviewe dans un journal de Mumbai... Vous imaginez sa fierte et celle de ses parents la, vous la visualisez? On a eu la chance de la voir, et franchement c'etait du bonheur en barre.

 

Aujourd'hui je suis retournee dans le slum avec Stan, le neveu de Daniel qui a notamment ete a l'origine de ma presence sur le projet avec Zarrina. Stan voyage en Inde depuis trois mois et il termine par quelques jours a Mumbai, dont il a passe pas mal de temps avec nous sur les derniers evenements. Il voulait voir le slum et je devais y retourner pour recuperer mes shalwar kameez, alors je lui ai fait faire un tour. En etant rattaches a Apnalaya on etait tranquilles pour se balader. Evidemment, deux grands blancs qui se promenent dans le slum ca ne passe pas inapercu. Alors qu'on marche dans la rue principale, un homme nous fait signe de le suivre. On marche derriere lui dans une rue avec toute une foule autour de nous, il nous fait passer dans des petites cours, des ruelles, pour arriver dans une tout petite artere. La, il nous fait entrer dans une piece qui fait environ 15 metres carres. C'est chez lui, il habite la avec sa femme et ses filles. Il nous invite a nous assoir sur son lit, le seul mobilier avec une grande armoire dans cette piece. Le plafond est tellement bas que je manque de me prendre le ventilateur dans la figure en m'asseyant. Il ne parle pas anglais, et nous ne parlons pas un mot d'hindi. On ne sait pas tres bien ce qu'il veut quand il nous tend un papier: on croit comprendre qu'il souhaite qu'on remplisse ce document pour lui, mais impossible de savoir de quoi il s'agit. Stan et moi sommes assis sur ce lit, l'homme et ses filles sont face a nous, et des curieux s'attroupent a la porte. On ne sait pas trop quoi faire, et on est sur le point de partir quand je sors mon carnet. Je lui fait comprendre que je voudrais dessiner ses filles. J'en dessine une qui a de beaux grands yeux. Elle sourit timidement mais garde la pose pendant que je la dessine. Apres ca, notre hote est heureux comme un pape et nous emmene faire une photocopie du portrait de sa fille. Nous nous quittons la-dessus et nous continuons notre chemin vers la decharge. Des grappes de gamins en uniforme d'ecoliers ou non nous suivent, comme des curiosites que nous sommes. Ils sont agites mais pas envahissants, contrairement a tout ce qu'on a pu me raconter sur les momes en inde.

En repassant au local d'Apnalaya, le lieu a retrouve son utilite d'origine. Il y a une classe de tout-petits la ou je faisais peindre mes ados, et l'espace de l'etoile a ete reinvesti: des chaises et des tables sont rangees, les ventilateurs ont ete raccroches au plafond. Elle est deja maculee de poussiere et de traces de pas. Je ne peux m'empecher de sourire: je pense a ces heures passees a fignoler les moindres details pour que l'illusion soit parfaite. Comme l'a dit georges, la vie continue.

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