Tout premiers jours au slum

J'ai donc rencontre une partie des gens avec qui je vais passer les dix prochains jours a l'aeroport de Roissy, par un beau matin de janvier. En fait non, ce matin n'etait pas beau, c'est juste pour l'effet de narration. On avait tous la tete dans le pate, on avait du se debrouiller pour etre a l'heure a l'enregistrement car evidemment a cette heure-ci il n'y avait pas de RER tellement c'etait tot. Enfin si, mais il fallait parier sur le fait qu'il n'y aurait ni accident sur la voie ni retard dans les trains... et se preparer a courir une fois a l'aeroport. Pas de probleme, un petit sprint des le matin avec 15 kilos sur le dos, rien de tel pour etre de bonne humeur. A Paris j'ai donc rejoint Julie (la fille de Georges Rousse qui collabore avec son pere sur pas mal de projets), Sandra qui va photographier et documenter le projet, Yvan qui est decorateur (entre autres) et va participer a la peinture. A Zurich nous avons retrouve Atek et Malik, deux jeunes lyonnais qui ont deja participe a d'autres projets de Georges. Nous voila partis pour 8 heures de vol (ou 10? je me souviens plus) A Mumbai, Daniel, grace a qui je fais partie de cette aventure, nous attend a l'arrivee avec Shuhaib, un jeune indien qu'il a invite sur le projet. Le chauffeur qui nous emmene a l'hotel me dit que je ressemble a une celebre actrice de Bolywood, Katrina Kaif. Elle est tres belle parait-il. Ok, ca commence bien... Il va falloir que je fasse attention avec les indiens, en tant que femme occidentale.

On a commence la peinture hier: Georges est venu dans la matinee faire le trace de l'etoile avec sa fille, et nous avons directement enchaine sur la peinture. Un beau bleu (ok, je n'ai aucune objectivite quant a la couleur bleue) qui va remplir l'espace en 3D tout en donnant une illusion de 2D. On travaille avec des ados du slum qui ont entre 15 et 17 ans. Ils sont fougueux et joueurs comme n'importe quels ados, mais ils sont adorables et comprennent rapidement ce qu'on attend d'eux, ils s'appliquent du mieux qu'ils peuvent. Dans le contexte indien ou tout est fait a l'a peu pres, ce n'est pas rien.

On va peindre une enorme etoile dans le local de l'association Apnalaya, qui travaille avec la communaute du slum. C'est un projet inedit pour cette association. Habituellement dans ce local sont organisees des fetes, des classes, c'est une sorte de maison de quartier ou les habitants illettres peuvent aussi recevoir de l'aide dans leurs demarches administratives... Ils sont tres polivalents. L'etoile va recouvrir la majeure partie du mur du fond, et les branches vont s'etendre sur les murs de chaque cote, au plafond et sur le sol. Par anamorphisme, on pourra voir une etoile parfaite en se placant a un point precis au milieu de la piece.

Le projet suscite la curiosite des habitants qui se pressent a la porte pour observer ce qui se passe. Il y a des francais qui sont en train de peindre Apnalaya en bleu... Ce sont beaucoup d'hommes, peu de femmes viennent observer. Des enfants aussi, mais encore une fois essentiellement des garcons. Ou sont les filles, les femmes? A l'ecole ou a la maison.

Le tout premier matin en arrivant au slum, un type m'a pince legerement la cuisse en passant a cote de moi. Le temps que je comprenne ce qui venait de se passer il etait deja loin. Je n'en revenait pas. Une copine m'avait prevenue que les indiens etaient tactiles, que les blancs etaient des objets de curiosite pour certains, mais je ne pensais pas que ca m'arriverait aussi vite. On m'a raconte plein de choses pas tres reluisantes sur l'image des occidentales en Inde, et j'arrive a Mumbai avec un bon paquet d'apprehensions a ce sujet. Stars de porno, femmes faciles... Je ne compte pas me faire peloter a chaque coin de rue. Apres ca, je mets une distance avec tous les hommes que je croise. Heureusement ils ne sont pas tous comme ca, mais ca m'a pris plusieurs jours avant de relacher la pression.